L'artisanat d'art, l'utopie post-soixante-huit

L’artisanat d'art en France est un mouvement social, artistique et contestataire de la fin du xxe siècle, de l'après mai 1968, il réunissait des artistes et des artisans utopistes persuadés d'être la trame d'une nouvelle société.
Comme l'Art nouveau français ou l'Arts & Crafts anglais de la seconde moitié du xixe siècle, il regroupe des artistes et des artisans d'art, mais hormis l' utilisation maximum de matériaux naturels, il n'a pas réellement de cohérence esthétique ni de démarche artistique. Il tente de mettre en place une conception nouvelle de la vie en société, une façon différente de fabriquer, un nouveau système marchand.
Ce mouvement dont l'apogée dura une vingtaine d'années n'est pas à négliger d'un point de vue social. Comme l'Arts and Crafts, en réaction à la laideur des productions industrielles d'objets, l'artisanat d'art post-68 a généré une production artistique exceptionnelle, appliquée à tous les domaines de la décoration et de l'objet.
Il a été l'un des facteurs essentiels de la prise de conscience de l'écologie actuelle et de la remise en cause des systèmes de production et de consommation. Il a considérablement freiné le "tout industriel et technologique" de la vie courante alors accepté dans les années 1960
Histoire
Déçus ou désireux de prolonger le mouvement libertaire de 1968, non politisés même si l'écologisme naissant avait des allures de contestation virulente avec le journal
La Gueule ouverte, de nombreux jeunes, hippies, utopistes, mais aussi des artistes et des intellectuels prenaient le chemin de la campagne. Ces jeunes issus pour la plupart des milieux urbains et intellectuels s'improvisèrent agriculteurs ou éleveurs de chèvres ou de moutons mais beaucoup se mirent à fabriquer des objets de la vie courante ou de décoration, esthétiques et utilisant les matières que leur offre la nature, le bois, la terre, la soie, le lin, la laine.
Les villages mais également les villes qui avaient gardé une configuration intra-muros, comme Cordes, Le Mans, Carcassonne, virent s'ouvrir des ateliers et des galeries d'artisanat d'art encore un peu maladroit mais authentique de poterie, tissage souvent lié à l'élevage, peinture sur soie, cuir, macramé, bougies, poupées, meubles peints, etc...
Au début des années 1950, une association de potiers-céramistes-sculpteurs avait créé, autour de Jacques Blin, le Syndicat des céramistes et ateliers d'Art de France. L'association n'aurait jamais eu ce succès sans l'arrivée de ces nouveaux créateurs. Le Salon des ateliers d'art de France ouvrait ses portes au début des années 1970 au Parc des expositions de la Porte de Versailles. Avec deux à trois cents exposants, le succès fut immédiat.
Parallèlement d'autres systèmes de vente tentèrent de se mettre en place, le "Marché sans marchand" à Montreuil puis en 1976 à Sarcelles accueillaient mille exposants, et d'autres "salons" se créèrent au cœur d'institutions traditionnelles comme la Foire de Paris.
En province, chaque petite ville cherche alors à créer un événement consacré à l'artisanat d'art. Dans l'Eure, une association d'artisans d'art exposaient pour une journée plusieurs fois par mois dans les villages autour de Gisors. Les grandes villes créaient des évènements plus importants comme le "Marché médiéval" de Chinon où plusieurs centaines d'artisans d'art costumés exposaient leurs créations le temps d'un week-end en été. Toutes les fêtes se devaient d'avoir leurs "artisans". Une affiche fit le tour des journaux spécialisés en 1985 elle s'intitulait "Artisans-tomates farcies" à Rigny (Loir et Cher). La promenade dominicale des français incluait la tournée des ateliers. Outre l'achat de pièces authentiques, le public s'intéressait à la manière de vivre particulière de ces artisans d'art, proche de la nature. De nombreuses communautés s'installèrent et leurs moyens de subsistance se basaient sur le revenu de l'artisanat d'art.
Dès 1981 et l'arrivée de la Gauche au pouvoir, les cotisations minimum d'URSSAF firent un bond et obligèrent de nombreux très petits ateliers à fermer. Ces marginaux vivaient pratiquement en autarcie mais justifiaient malgré tout d'une profession, ils durent s'inscrire au chômage. Le mot marginal avait alors une signification beaucoup moins péjorative que dans les années qui suivirent, il désignait les jeunes qui ne souhaitaient pas contribuer à la société de consommation telle qu'elle était alors, mais travaillaient à une société plus juste. Le statut d'artiste-libre se compliquait, situé entre l'artisan inscrit à la Chambre de métiers et l'artiste du Ministère de la Culture. Le mouvement, peu structuré, puisqu'il s'agissait d'un phénomène de société, s'essouffla.
Au début des années 1990, les artisans d'art traditionnels, ébénistes, verriers et les petites entreprises d'artisanat de consommation courante, plombiers, boulangers, couvreurs, agacés par ces "faux" artistes-artisans, commencèrent à vouloir récupérer leur dénomination, alors que le "Salon" parisien, fort de trois-mille exposants, s'embourgeoisait. Les statuts, la pression administrative et fiscale, l'intrusion de l'art contemporain divisait les créateurs, le duel artiste-artisan refaisait surface. D'un côté les défenseurs d'un artisanat d'art où l'objet est la finalité, beaucoup de potiers, de tisserands, de créateurs de luminaires et de bijoux, de l'autre les partisans d'une création subjective, artistique, où l'on retrouve (surtout autour de la création de personnages), les sculpteurs et les artistes peintres.
Le salon invita des exposants non créateurs et des importateurs, il devint le PAAS (Paris-Atelier d'Art-Show) en 1987. En 1996, Il déménagea du Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris pour Villepinte au Nord de la capitale et devint le Salon international de Décoration "Maison et Objets". Salon où ne subsistait en 2005 que deux minuscules allées d'authentiques créateurs épuisés. En province, beaucoup d'artisans d'art fermèrent les ateliers ou devenaient commerçants.
D'autres ateliers acquérirent une renommée internationale et s'assumant en tant que créateurs et artistes.
Aujourd'hui subsistent encore de nombreux ateliers d'artisanat d'art, la démarche utopique a laissé la place au seul désir de créer des objets et des pièces uniques à la portée de tous. Le plaisir de faire soi-même s'est démocratisé et chacun peut s'adonner à la création décorative de loisirs mais ce mouvement a contribué à une prise de conscience de l'écologie et du gaspillage.
Quelques créateurs et artisans d'art à l'origine du mouvement en France
Poterie, céramique, faïence
Catherine et Jacques Blin (Poterie-céramique)
Christine Godiniaux (céramique décorée)
Jean-Michel Laboute (poterie grés)
Jean Louis Scouarnec (poterie grés)
Pierre Capperon sculpteur-Porcelainier
Lisette Savaria Pocelainière
Charles Hair (céramique)
François Taillandier
Poterie de Saint-Sauveur d'Aunis (Claudette Rugel & Claudie Marchand
Marie et Michel Berodot (poterie-céramique)
Peinture, fresques, panneaux
Dominique Asselot sculpture-assemblage
Le Chat chez qui j'habite - Marie Odile Hocquiny
Armand Langlois fresques, peintures, sculpture,
Jacques Le Nantec sculpteur
Sculpture, poupées, marionnettes, automates
Janie Langlois marionnettes, assemblages chats bottés
Serges Reynaud et Claudia Marchesin machines volantes
Line et Guy Dor Sculptures Elfes
Guillermo Forchino (personnages sculptés)
Anne Mitrani (poupées de caractère).
Les Milios (marionnettes)
Malou Ancelin (poupées de caractère)
Camus (marionnettes-automates)
La Compagnie des têtes à claques (tableaux-marionnettes)
Travail du bois
Marc Touret (Sculpteur sur bois)
Textile : tissage, vêtements, tapisseries, broderies
l'Atelier de la Martinerie (tapisseries)
Edith et François Vieillard tissage
Marie Danielle Raynal (broderie)
Travail du cuir
P. Bertrand (cuir-meubles)
Gérard et Monique Breton (cuir, bijoux)
Bijoux
Gerard Gall (sculpture, bijoux, fonderie bronze)
Francis Millerand (bijoux-coiffes)
Ferronnerie, sculpture, fonderie
Gerard Gall (sculpture, bijoux, fonderie bronze)
Jean-Pierre Hartmann jouets en tôle
Jean-Pierre Thervais ferronnerie d'art
Produits naturels
Louis de Bruyn (élevage, miel)
Delphine Talaron (brou de noix)

Si vous avez des informations, des photos, des témoignages liés à cet article, merci de les envoyer au webmaster.

°°°

°°°


Free counter and web stats




°°°
passion bricolageGuides Achat Arts et artisanat